En utilisant le mot « Pride », la Veggie Pride met au même niveau le fait d’être végéta*ien·ne et les violences subies par la communauté LGBT+, c’est insultant envers cette communauté et cela invisibilise ses luttes. Les végéta*ien·nes ne subissent pas les mêmes violences que les personnes LGBT+.
La Veggie Pride a été créée en 2001 pour affirmer la volonté des personnes végéta*iennes de combattre le spécisme et dénoncer la pression sociale anti-végéta*ienne qui décourage beaucoup de personnes de franchir le pas de refuser concrètement de consommer des produits animaux. La marche a été nommée comme cela après discussion avec l’Inter LGBT chargée de l’organisation de la Marche des fiertés à l’époque.
Le propos de la Veggie Pride n’est pas de dire que la violence subie par les personnes végéta*iennes et celle subie par les personnes LGBT sont similaires ou de même intensité. Il n’est pas non plus de mettre en concurrence les luttes ou d’en invisibiliser certaines. Par contre, nous pensons qu’il existe des processus sociaux de répression et de normalisation politiquement similaires.
Il y a un ordre spéciste du monde comme il y a un ordre hétérosexiste du monde et dans les deux cas, un ensemble de dispositifs sociaux s’en fait garant et se charge de défendre le système de domination. La pression sociale dont font l’objet celles et ceux qui, par leur refus de consommer des animaux, s’opposent à l’idéologie spéciste s’avère très efficace : elle délégitime, invisibilise, marginalise et dépolitise le végéta*isme.
De ce fait, elle freine le mouvement animaliste et contribue à maintenir le système d’exploitation des animaux, d’où la raison d’être de la Veggie Pride. En déconstruisant l’idée que le végéta*isme est un choix ou un mode de vie comme un autre, celle-ci permet aux personnes végéta*iennes d’affirmer leur végéta*isme comme une revendication politique et de s’engager dans la lutte.
Vous faites le choix d’être végéta*ien·ne, personne ne vous y oblige, alors qu’être LGBT+, c’est une identité.
La répression, qu’elle soit liée à un choix ou à une identité, n’est jamais justifiable. Lorsque c’est un choix, on peut effectivement le modifier, mais cela ne change pas la nature de la répression. Les personnes végéta*iennes font ce choix pour signifier leur solidarité avec les animaux non-humain·e·s, elles font ce choix pour d’autres qui n’ont justement pas le choix. Elles n’ont pas à subir une répression qui leur intime de se ranger à l’ordre spéciste, tout comme personne n’a à subir une répression parce qu’il ou elle a choisi de pratiquer une religion ou de s’opposer à un système injuste (par la grève, la manifestation, etc.).
De plus, le fait de se battre pour la justice sociale ne doit pas être considéré comme optionnel. Dire à une personne végéta*ienne qu’elle pourrait très bien choisir de manger de la viande, c’est lui dire que la lutte contre l’exploitation animale n’est pas importante et faire peser sur elle l’hostilité à laquelle elle doit faire face lorsqu’elle s’oppose au système spéciste.
Les victimes du spécisme sont les animaux, pas les personnes végéta*iennes.
Les animaux sont en effet les victimes du système spéciste et sont tués par milliards chaque année. C’est une injustice et une oppression que nous combattons depuis la création de la Veggie Pride. Le fait de dire qu’il existe une pression sociale qui amène les personnes végéta*iennes à ne pas affirmer qu’elles le sont pour les animaux, à déclarer que c’est un choix personnel, voire à renoncer à s’opposer au système spéciste en remangeant de la viande ne remet absolument pas en question cette affirmation.
La lutte contre le spécisme et l’exploitation animale est confrontée au fait qu’elle est représentée par des humain·e·s, qui ne vivent pas l’oppression que subissent les animaux. Les animaux ne pouvant s’exprimer eux-mêmes sur le sujet, en tant que militant·e·s antispécistes, nous avons le devoir de faire entendre leurs voix et de rendre leur existence et leurs intérêts visibles aux yeux de tou·te·s.
Tout notre propos est de politiser la question du végéta*isme, de s’affirmer en tant qu’opposant-e-s à l’exploitation animale et de dire que manger de la viande ou refuser d’en manger ne sont pas des choix personnels. Si les personnes qui commencent à vouloir résister et s’opposer au système spéciste sont découragées par la pression sociale, les premières victimes seront encore et toujours les animaux, car ils et elles perdent des soutiens précieux, et le mouvement animaliste se verra privé de ses forces pour s’opposer à l’exploitation animale. Il ne s’agit pas de s’accaparer les souffrances des animaux, mais au contraire de tout faire pour être nombreuses et nombreux à les défendre.
La mise en évidence de la pression sociale subie par les personnes végéta*iennes, de sa signification concrète au sein de l’ordre spéciste du monde, sa dénonciation et le combat pour en venir à bout et neutraliser ses effets délétères sur le mouvement animaliste sont au cœur de l’analyse politique portée par la Veggie Pride.
A la base, le mot « Pride » vient d’une revendication par et pour les personnes LGBT+.
Dans les luttes sociales et avant la naissance de la marche des fiertés LGBT, le terme « fierté » était utilisé par la communauté noire américaine dans les années 60, notamment par le mouvement pour les droits civiques, via l’hymne « I’m black and I’m proud ».
Un événement qui célèbre les cultures queer, « Loud and Proud », reprend d’ailleurs les termes de cet hymne dont les paroles sont « Say It Loud ! I’m Black I’m Proud ! ». Il ne semble pas qu’il n’y ait ici une volonté de mise en concurrence entre ces luttes malgré l’emploi d’un vocabulaire similaire.
La Veggie Pride pourrait changer de nom pour Veggie Parade ou Veggie Fest.
Les termes Veggie Parade ou Veggie Fest dépolitisent complètement la lutte contre l’exploitation animale, en empêchant l’emploi d’un vocabulaire politique qui fait partie des luttes sociales. Le végéta*isme n’est pas une fin en soi ou un objectif qui vaudrait par lui-même, indépendamment de ce pour quoi il est revendiqué, indépendamment de tout mouvement social contestataire visant à défaire la société spéciste.
L’antispécisme est couramment vu comme une lutte de « seconde zone », car elle concerne les animaux et s’oppose à la domination humaine. De ce fait, depuis trente ans, elle peine à s’intégrer dans le paysage des luttes sociales et à être considérée avec autant d’attention que les autres. Le propos de la Veggie Pride est justement, à son échelle, de politiser cette question et de rendre visible l’exploitation des animaux par les humain·e·s.
L’emploi du terme Pride est pertinent pour permettre de résister à la pression sociale qui s’exerce sur les personnes végéta*iennes, de s’affirmer publiquement et collectivement en tant qu’opposant·e·s à l’exploitation des animaux, et donc de politiser le végéta*isme et la question animale. L’opposition à l’utilisation du terme « Pride » semble par ailleurs réservée au mouvement animaliste. La lutte antispéciste serait-elle moins noble, plus critiquable et indigne de faire partie des luttes sociales parce qu’elle concerne les animaux et non les humain·e·s ?
Les personnes végéta*iennes ne sont pas victimes d’une oppression systémique.
Il ne s’agit pas de confondre le fait d’être des victimes d’oppression avec le fait d’être des allié·e·s des victimes d’oppression. Cela n’empêche pas de dire qu’il existe une répression sociale à l’encontre des personnes qui refusent de participer à l’oppression systémique des non-humain·e·s, et qui ainsi implicitement la remettent en cause, et de dénoncer cette répression, quelle que soit son intensité.
Le caractère répétitif et partagé des manifestations de cette pression sociale montre bien que celle-ci fait système, par sa redondance, sa diversité d’occurrences ou encore sa fréquence. Par exemple, bien que des décrets soient en cours d’application pour obliger les cantines scolaires à proposer un menu végéta*ien par semaine (ce qui est largement insuffisant), la législation a imposé depuis 2011 de servir des protéines à chaque repas dans tous les services de restauration collective gérés par l’Etat. Cet exemple montre bien la volonté du système spéciste de se défendre contre ses opposant·e·s, notamment via la législation.